L'Apprentissage du modelage |
On attend généralement du professeur qu'il vous donne un sujet figuratif, qui orientera la réflexion dans une direction rassurante. C'est sans soupçonner la somme considérable de problèmes qu'il faudra résoudre : ordre des opérations, statique, composition, lignes directrices, pleins et vides, matières... aussi préférons nous décomposer les difficultés en les hiérarchisant.
Si je me donne un seul programme : élever une tour, avec la contrainte de ne pas ajouter d'armature, alors l'aplomb sera mon fil conducteur. Le poids de la glaise, combiné avec sa mollesse, deviendra même un avantage, en obligeant la recherche de solutions. Une nécessité : ma tour ne doit pas s'effondrer, donnant naissance à une esthétique.
L'objectif de nos écoles étant de former des créateurs capables d'inventer des formes à partir d'un « cahier des charges », je prends le parti de donner des directions de recherche ouvertes, autour d'une contrainte simple, afin d'amener chacun à trouver le moteur de son imagination.
Cette proposition renvoie aux travaux du « Bauhaus » par la contrainte d'assembler à angle droit des volumes parallélépipédiques. Notre œil relie toujours ce qui se ressemble : une surface avec une autre si elles sont coplanaires ; ou un creux avec un creux s'ils sont alignés. Les arêtes du plan supérieur formant une surface oblique, elle devient palpable, bien que virtuelle (voir chap.06).
Ce principe d'assemblages a suffisamment démontré son efficacité dans les arts plastiques du vingtième siècle pour qu'il ait sa place ici.
01. Matthieu COTTIER et Aurian RIETHMULLER
Par la nécessité d'immobiliser un édifice branlant, ces étudiants ont réinventé le modèle de « tour polycentrique » brevetée par l'architecte Denis Sloan !
Un long boudin de terre, quelle que soit sa section (ronde ou carrée) ne saurait tenir debout.
Donnez-vous comme exercice d'en placer verticalement, vous créez des appuis instables qui imposeront une solution de blocage : des plans de liaison à l'intérieur de l'édifice. Vous serez étonnés du résultat !
Changeons de concept et prenez deux cubes reliés verticalement par deux plans : c'est le « cahier des charges », c'est-à-dire la règle du jeu.
Ici l'objet devient alors une sculpture dynamique par l'intervention de choix graphiques à mesure de l'évolution du projet : les cubes ne sont plus horizontaux, et une légère torsion les mets en mouvement. L'un des plans verticaux semble se détacher, et le vide central, qui suggère l'empreinte d'un volume sphérique, se compose avec la glaise qui l'encadrent selon un principe de complémentarité, développé au chapitre 06. Notons que les arêtes visibles sur les surfaces internes anticipent les problèmes d'intersection abordés au chapitre 07.
Faîtes de même, donnez-vous un projet de départ qui va évoluer par ajout d'éléments, par retrait de glaise, par intervention de matières. En vous appuyant sur les notions que nous avons abordées, le modelage deviendra sculpture en s'enrichissant de formes que les circonstances, le hasard, auront mises sous vos doigts.
Cette proposition est en quelque sorte la synthèse des précédents, avec une connotation presque anthropomorphe, et des problèmes de surfaces qui ne seront développés qu'au chapitre 11.
Dès la fin de ce premier exercice, vous aurez compris qu'il est illusoire de prétendre, en approfondissant une notion particulière, évacuer toutes les autres sans risquer l'uniformisation des rendus. Ou pire encore, leur dessèchement.
Un vrai créateur ne s'interdit rien ; les difficultés abordées avec passion trouveront toujours leur solution. Car seules existent les limites que vous vous donnez...