L'Apprentissage du modelage |
Après avoir peiné sur un drapé, et compris que l'on ne devait jamais copier servilement mais reconstruire de l'intérieur vers l'extérieur, selon la méthode des plans de structure énoncée par Rodin : « Avant tout, établissez nettement les grands plans des figures que vous sculptez...L'art réclame de la décision. C'est par la fuite bien accusée des lignes que vous plongez dans l'espace et que vous vous emparez de la profondeur. Quand vos plans sont arrêtés, tout est trouvé . Votre statue vit déjà. Les détails naissent et ils se disposent ensuite d'eux-mêmes ».
Intégrons la liberté de composition qu'autorise la compréhension d'une combinatoire - les plis, contre-plis et arrondis du chapitre précédent – pour élargir le propos à des problèmes plus généraux.
Une courte phrase suffit à « planter le décor », en rappelant aussi que le langage n'est pas le seul véhicule de la pensée. |
En sculpture, les surfaces sont les mots, les trajectoires spatiales sont les phrases, et leurs combinaisons constituent le corps du texte. Il s'agit d'une pensée foncièrement, irréductiblement non-verbale, inféodée à la main, et j'irai jusqu'à dire dépendante de la forme des outils.
Le sculpteur doit avoir la sagesse de n'avoir recours au langage que dans les étapes d'auto-critique, lorsqu'il faut poser les outils, prendre du recul et réfléchir. (Voir « méthode » Chap. 14)
Nicollo Dell'Arca, Deuil de Marias au dessus du Christ mort, 1462-63, Terre cuite avec des traces de polychromie, Santa Maria della Vita (Bologne). |
1 & 2. Larissa CLUZET
3. Larissa CLUZET
Comment composer à partir de directions dominantes qui ne sont plus des droites ?
4 & 5 - Marie GUERRIER
En se donnant d'abord les arabesques générales, par pliages de boudins de terre, puis en leur donnant des sections particulières (rectangle, triangle, polygone...).
La correction se fait souvent par manipulation dans l'espace : nous l'avons vu, une sculpture peut et doit se regarder dans toutes les directions, et la base d'origine n'est pas forcément la bonne. Après basculement, la vue ci-dessus montre l'évolution, avec une ouverture vers le haut, d'une forme qui était d'abord fermée sur elle-même.
Vous pouvez choisir de vous inspirer d'un artiste, ici Niccolo dell'Arca, et retrouver sa manière en évacuant le sujet pour ne retenir que le jeu plastique qui lui donne vie. Dans tout apprentissage, il faut se souvenir de la phrase de Malraux : « toute création est la lutte d'une forme en puissance contre une forme imitée » et ne pas craindre de se référer aux grands anciens.
6, 7 & 8 - Francesca ERCOLI
Mes corrections ont porté sur la nécessité de se donner des plans de structure externes (diagonaux en 4, horizontaux en 7) tout en faisant circuler les plis dans la profondeur du sujet : cela structure entre elles les parties. Celles-ci, animées par des contrastes de dimension et d'épaisseurs, ont été travaillées partout simultanément et volontairement laissées à l'état d'ébauche.
Cette notion de liens en profondeur, réunissant entre elles les parties visibles d'une sculpture, constitue le prolongement du chapitre précédent. Non seulement il faut établir un dialogue entre convexités et concavités, mais il faut aussi penser aux trajectoires profondes, invisibles, qui les relient. Partir de ces liens, comme on l'a vu en (cf. Cluzet 1), permet de mieux intégrer cette notion capitale.
Enfin, le thème choisi peut être figuratif pour peu que les passages du concave au convexe le caractèrisent : avec l'oreille devenue sujet à part entière, le hors échelle et la position horizontale font que l'on ne va pas tout de suite la reconnaître, on va se demander de quoi il peut bien s'agir, et donc observer puis réfléchir et se laisser emporter par les enroulements dynamiques qui la caractérisent.
9 - Lise GRANDJONC et Anaïs PINSON