Les os

La nature a mis des millions d'années à élaborer la structure portante des vertébrés, selon un principe simple : des étais comprimés -les os- mis en action par des tirants -les muscles- selon la mécanique du levier.

Dans les chapitres précédents, nous avons vu qu'il fallait considérer chaque morceau de sculpture comme le fragment apparent d'une surface plus étendue qu'elle n'y paraît. C'est le pré-requis pour comprendre la façon dont on perçoit la peau, mise en tension par la poussée des muscles.

Rodin a merveilleusement expliqué ce phénomène :
« Lorsque vous modelez, ne pensez jamais en surface, mais en relief.
Que votre esprit conçoive toute superficie comme l’extrémité d’un volume qui la pousse par-derrière. Figurez-vous les formes comme pointées vers vous. Toute vie surgit d’un centre, puis elle germe et s’épanouit du dedans au dehors. De même, dans la belle sculpture, on devine toujours une puissante impulsion intérieure. C’est le secret de l’art antique ». (voir mon livre : « le modelage du corps humain » Dessain et Tolra - Larousse).

Pour d'autres raisons, il en va de même avec la façon dont on perçoit les os.
Observer un os, c'est se demander à quelles forces de compression il doit opposer sa résistance, dans quelles directions, et pour quels mouvements. Cela nous oblige à imaginer les épaisseurs qui les « poussent » en avant.
« Penser en relief » signifie donc envisager simultanément l'intérieur et l'extérieur d'une forme, comme si l'on voyait avec un sonar.

Ainsi, vous comprendrez mieux pourquoi tant d'artistes modernes, à commencer par Henry Moore, ont vu dans les os une source inépuisable d'inspiration. Opposant ainsi, par l'expression de l'énergie qui les a forgés, un symbole de vie aux représentations morbides des siècles passés telles qu'on peut encore les voir sur les monuments funéraires.

Pas à pas :

Imposez vous d'essayer de raccorder toutes les surfaces entre elles, selon le modèle du ruban de Moebius , possédant un intérieur et un extérieur, mais une seule surface.

Gabriel LAURILLOU

Ce procédé complète l'apprentissage de cette vision spatiale des formes, selon une extension dans toutes les directions de l'espace de la notion de plans prolongés exploitée dans les chapitres 11 et 12.

Puis travaillez attentivement les arêtes limites, rendues plus ou moins nerveuses par variations d'arrondis et d'épaisseurs.

1, 2 & 3 - Anna BOROWSKI

La comparaison entre l'ébauche et la réalisation met en évidence l'efficacité de ces principes.

4, 5 & 6 - Camille JACQUEMIN

Vous pouvez exploiter l'articulation entre deux os selon le mouvement potentiel suggéré, afin de réunir en un ensemble cohérent des fragments élaborés séparément.

7, 8, 9 & 10 - Camille LABRO

Renforcez la perception de profondeur par des oppositions de rendu : traités avec des effets de matière, les fonds sembleront s'éloigner, alors que les limites hautes « monteront » d'autant plus qu'un arrondi lisse prendra davantage de lumière qu'une surface striée.

11 - Nicolas OSSORGUINE

Enfin, une mise en scène sur une terrasse (c'est ainsi que l'on appelle la semelle placée sous une sculpture) donnera à vos recherches une ouverture à la sculpture monumentale.

12 - Alice MARTIN